Liminaire

Revenons un instant pour mémoire sur le précédent groupe de travail du 30 mai 2018 qui avait déjà abordé les sujets de l’accès des notaires au fichier immobilier et le contrôle allégé en partenariat en matière de publicité foncière : nous avions déploré, pêle-mêle, le grand mécano de fusions ininterrompues de SPF, de regroupements des personnels en SAPF, de déperdition des compétences, de disparition progressive de la BNIPF, des intervenants fonctionnels et hiérarchiques multiples, en nous faisant le relais du sentiment des agent.es, mélange d’inquiétude et de mécontentement.

 Cette profonde évolution, synonyme de recul et de virtualisation tend, en la matière comme pour l’ensemble des missions de la DGFiP, à faire de cette dernière une administration dématérialisée de back office. Si nous continuons de déplorer et de dénoncer cette évolution dans ses principes et ses conséquences, nous ajoutons à notre lecture critique un élément : la période est tout sauf favorable à ce genre d’opérations. C’est également vrai en matière de publicité foncière et d’enregistrement.

 De manière générale, de nombreux éléments montrent que ces missions continueront d’être fortement sollicitées pour une longue période. Certes, en matière d’immobilier, l’évolution du marché est marquée par des incertitudes liées aux conditions de la reprise de l’activité économique, disons plutôt des conséquences de la crise. Plusieurs éléments montrent cependant que l’immobilier connaîtra un certain dynamisme. Il en va ainsi de l’appétence des résidents français pour l’immobilier, qui reste forte (le taux de propriétaires est passé de 55,9 % en 2011 à 57,7 % en 2019), y compris en termes de valeur refuge en cas de crise, tandis que de nouvelles tendances se font jour, comme les installations en province. Au-delà, les évolutions démographiques, notamment l’augmentation de la population et son vieillissement, affecteront également le nombre et la nature des transactions immobilières ainsi, très certainement, le nombre d’actes soumis à enregistrement. Enfin, les taux, qui demeurent faibles, participent à ce mouvement.

  •  Tout cela alors que personne ne peut dire aujourd’hui comment les conditions sanitaires, sociales et économiques évolueront et quels en seront les impacts sur le travail.
  • Tout cela alors que les agent.es sortent largement éprouvé.es de cette période.
  • Tout cela alors que la vague de fusions de SPF en cours se fait dans un contexte hétérogène quant aux délais de publication, véritables marqueurs de l'état d'un SPF… Au point que la véritable harmonisation indispensable à toute fusion consiste en réalité à harmoniser les retards.
  • Tout cela alors que l’évolution de la DGFiP (de ses structures, de son management, de sa démographie) présente le risque majeur de voir des compétences de diluer et s’évaporer.
  • Tout cela alors que le traitement des données de type « Data » devrait pousser à accroître l’effort sur leur fiabilité, donc sur leur contrôle et, globalement, la qualité des opérations de publicité foncière et d’enregistrement.

 

Invoquer que le maillage territorial date des années 70 pour justifier cette évolution est curieux. La modernité du XXIème siècle doit-elle forcément être celle du repli de l’action publique ? Tout porte à le croire. Quand parle-t-on de qualité du service rendu au public et de la qualité d'un fichier immobilier (et de la sécurité juridique des opérations d’enregistrement), fichier que l’on a vanté il n'y a pas si longtemps (exception française dont on exportait le modèle et les principes jusqu'en Afrique) ?

Ne vous y trompez pas : nous ne sommes pas nostalgiques d’une époque prétendument « dorée ». Nous n’avons jamais condamné l’utilisation du numérique par exemple. Nous avons toujours plaidé pour l’utiliser intelligemment en prenant garde d’analyser les transformations qu’il génère et les possibilités (analyses de données) qu’il autorise. Mais force est de constater qu’il n’est considéré par les pouvoirs publics que comme un outil de suppressions d’emplois et de services.

Personne n’est dupe. La concentration des services fait partie du dogme selon lequel « réforme » rime avec « recul » et doit obligatoirement se traduire par un regroupement des services pour, d’une part, dégager des économies de personnel en faisant miroiter une efficacité accrue des nouvelles entités et, d’autre part, sacrifier voire externaliser progressivement certaines tâches. Gageons que cette évolution ne sera malheureusement qu'une étape. A n’en pas douter, la création des SAPF sera considérée comme un vrai succès, ce qui permettra à terme aux pouvoirs publics de promouvoir un travail au niveau régional, voire national sur une base unique, en gardant quelques pôles dédiés à l'enregistrement.

Nous ne pouvons terminer sans évoquer le sentiment des agent.es. Quand seront-ils enfin réellement considéré.es ? A titre d’exemple, des fusions de SPF leur sont annoncées parfois tardivement ou évasivement, au point que certain.es anticipent une mutation qu’ils subissent ou, au contraire, apprennent trop tard que leur service est concerné. Et surtout, ils et elles se sentent pris au piège sans pouvoir faire entendre utilement leur voix sur les missions auxquelles ils et elles sont attaché.es, parfois même tout simplement sur leurs droits et leur avenir. Au-delà de notre opposition de fond aux évolutions en cours et envisagées, on ne peut que faire mieux en matière de « management ».

Vous retrouverez les interventions de notre organisation et les réponses de l'administration dans le compte-rendu à suivre...