Ce CTR abordait notamment le projet de transformation de la DGFiP dénommé "Géographie revisitée".

Liminiaire

Monsieur le Président,

Ce comité technique de réseau est le premier que vous présidez. Il intervient suite à une rupture de plusieurs mois du dialogue social au sein de la DGFiP et à un moment charnière pour le devenir de notre administration avec le projet de « géographie revisitée » et de « démétropolisation », mais également de nombreux projets ou pistes de projets dangeureusement structurants. Pour Solidaires Finances Publiques nous sommes confrontés à un plan d'ensemble de destruction de la DGFiP.

Nul ne peut ignorer votre parcours et il est clair que votre nomination s'inscrit pleinement dans les axes stratégiques définis par le Président de la République. Dès lors, en votre qualité, vous êtes un interlocuteur de 1er plan et avec de ce fait une lourde responsabilité au regard de la DGFiP et de ses agents.

En préalable nous ne pouvons que dénoncer la période passée en matière de dialogue social. En effet, en réponse aux attentes des personnels et de leurs représentants, c'est l'intimidation, voire la répression qui ont été à l'oeuvre. Pour illustrer ce propos, il nous suffit de faire état de ce qui s'est passé dans le 31, où plus de 40 agents se sont vus assignés devant le TA. Cette dérive sans précédent a prouvé que l'administration était dans une logique punitive et non d'apaisement.

Notre conception du dialogue social est aux antipodes de celles que nous venons de dénoncer. Solidaires Finances Publiques continue de revendiquer un dialogue social fondé sur le respect des organisations syndicales avec la prise en compte réelle de leurs analyses et propositions tant au niveau local que national.
Entre la cogestion, qui n'est ni dans notre culture, ni dans celle des pouvoirs publics, et la forme actuelle du dialogue social, il y a sans doute, un chemin à trouver.
C'est pourquoi, nous réitérons notre exigence de voir s'ouvrir de réelles négociations sur l'avenir de la DGFiP, de ses missions, de ses moyens, de son réseau, de ses agentes et agents. Cette exigence du dialogue social qui devrait être partagée, nécessite un niveau d'information identique de part et d'autres.
Tel n'est pas le cas à ce jour, et déjà des annonces multiples laissent sous-entendre qu'il y a un projet global sur le devenir de la DGFiP, la géographie revisitée n'étant qu'une première phase.
C'est pourquoi, nous exigeons d'avoir cette vision globale qui seule, peut permettre d'avoir un dialogue social d'ensemble et nourri. Nous sommes donc en droit d'obtenir, dès à présent, une totale et réelle lisibilité sur l'ensemble de vos projets et sur le contrat pluriannuel de moyens et d'objectifs.

Concernant le projet de géographie revisitée, après des semaines d'omerta, il a fallu attendre la publication de trois cartes présentant la « géographie revisitée » en Limousin pour que les pouvoirs publics décident d’accélérer le processus. Ainsi, le 6 juin, sans même tenir compte de la tenue du congrès de nos camarades de la CGT Finances Publiques, les téléscripteurs s'affolent, les cartes tombent comme à Gravelotte dans les directions à l'exception de Paris, de la Corse et des directions ultra-marines, toujours dans l'attente à ce jour. Les équipes locales de nos organisations syndicales sont conviées à venir en prendre connaissance… permettant ainsi à l'administration de déclarer que la phase de concertation est ouverte, comme la saison de la chasse !

Mais de quelle concertation parle-t-on ? Vous entendez la conduire sur trois mois, dont deux pendant la période estivale. En réalité, il ne peut y avoir un réel dialogue sur une période aussi courte. Il ne peut pas y avoir pour seul dialogue la convocation obligatoire des agentes et des agents à devoir assister à une grand-messe sur la géographie revisitée comme c'est le cas dans le Lot-et-Garonne. Malgré ce faux semblant, ce qui se joue, c'est l'avenir du service public, de notre administration, mais aussi de milliers d'agentes et d'agents qui vont devoir subir une mobilité fonctionnelle et/ou géographique, voire, être contraint.es de se réorienter professionnellement en dehors de la DGFiP si l'ensemble des projets politiques et administratifs aboutit, notamment celui de la transformation de l'action et de la fonction publiques.

Fausse concertation puisqu’avant ce CTR, il n'était aucunement question d'aborder les principes fondateurs du projet de destruction de la DGFiP, les seules marges de manœuvre offertes résidant dans les mesures d'accompagnement d'une part, et dans la détermination des lieux d'implantation des services et des points de contact d'autre part.

Votre volonté de passer en force sur la géographie revisitée s'accompagne d'une campagne nationale de communication hors du commun, hautement mensongère, afin de leurrer les citoyens, les élus et les personnels sur les réelles intentions gouvernementales.

Malgré « l'habileté » avec laquelle ont été constituées les cartes, malgré les éléments de langage toujours savamment distillés, cette campagne a fait un flop, pour reprendre le titre de plusieurs articles de la presse quotidienne régionale ou nationale. De nombreux élus et la plupart de leurs associations, une fois éclairés de l'étendue de l'arnaque, sont désormais vent-debout !
Quant aux personnels, la sortie des cartes les a plongés dans l'angoisse et l'anxiété se traduisant par des larmes et plus grave par certains gestes dramatiques.

Passée cette étape, le temps de la colère est venue !

Nous sommes, Monsieur Fournel, entrés dans une phase conflictuelle marquée par une forme d'auto-organisation qui rappelle assez singulièrement un mouvement qui secoue encore le pays chaque samedi. Inutile que nous égrainions ici la liste des mobilisations qui fleurissent depuis le 6 juin, ni la liste des réactions des élus locaux et même nationaux. Vous suivez ça de très près et le ministère aussi, à n'en pas douter.
Soyons clairs, si nous pouvons partager en partie les ambitions affichées qui structurent ce plan de construction du nouveau réseau de proximité des Finances publiques, nous rejetons sans nuance les principes qui le fondent, nous condamnons sans réserve sa déclinaison opérationnelle tout comme la méthode employée de dialogue social.
La position de Solidaires Finances Publiques pourrait tenir dans une phrase : maintien et renforcement de l'existant, de nouveaux modes et points de contact de proximité supplémentaires. Cette vision d’une DGFiP renforcée requiert a minima évidemment un arrêt immédiat des suppressions d’emplois.
Ainsi, Solidaires Finances Publiques n'entrera d'aucune manière, dans une concertation qui viserait à faciliter la mise en œuvre du démantèlement de la DGFiP.
Solidaires Finances Publiques exige l'abandon sans délai du projet de géographie revisitée. Mais cette exigence n'est pas une fin en soi. Pour Solidaires Finances Publiques, elle doit conduire, comme nous l'avions indiqué précédemment à l'ouverture d'une vraie négociation sur l'avenir de la DGFiP, de ses missions, des conditions de leur exercice, sur la reconnaissance des capacités d'adaptation des personnels, de leurs qualifications et de leur technicité (au-delà des propos lénifiants et des remerciements gratuits), ainsi que sur la question des emplois, de leur volume, de leur pyramidage.

Les premiers contacts que nous avons noués depuis votre nomination laissent entrevoir une nouvelle approche, notamment en matière de dialogue social. Aussi Solidaires Finances Publiques attend que derrière vos mots et vos déclarations d'intention, il existe une réalité différente de celle qui a été portée jusqu'à présent.

A vous, dès ce CTR, de relever ce défi.

Si vous décidiez de ne pas le relever, alors nous vous mettrons solennellement en garde quant aux conséquences de votre réforme sur la santé physique et psychique, la sécurité et les conditions de travail des personnels. Dès à présent, nous vous demandons que soient convoqués, dans toutes les directions, les CHS-CT en application des dispositions de l'article 57 du décret 82-453 relatif aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Dans la continuité de ce que nous avons demandé au CHSCT ministériel (CHSCT M), nous réitérons conformément aux dispositions de l'article 48 du-dit décret, de l'article 34 du décret 2011-184 relatif au fonctionnement des comités techniques, la convocation d'un CTR en formation CHS-CT.

Si vous décidiez de ne pas le relever, cela attesterait que malgré vos propos, vous ne rompez pas avec la politique de votre prédécesseur.

Si vous décidiez de ne pas le relever, alors vous pourrez compter sur Solidaires Finances Publiques pour faire grandir, dans l'unité la plus large, aux côtés des personnels laissés libres de déterminer les formes de leurs actions, la mobilisation et la contestation.

Enfin nous lançons ici une alerte officielle et solennelle sur l'état dans lequel se trouvent les personnels et que révèlent crûment les résultats du dernier observatoire interne :
61 % des répondants issus de la DGFiP indiquent une démotivation au travail,
68 % ne se sentent pas reconnus,
et 72 % sont insatisfaits de leurs conditions d’avancement et de promotions…
et cela avant les annonces sur la géographie revisitée  !!!

Le contexte global et particulier dans lequel nous sommes, ressemble, toute chose égale par ailleurs, à celui de France-Télécom au moment d'une vaste restructuration visant ouvertement, pour les dirigeants de cette entreprise actuellement traduits devant les tribunaux, à se débarrasser d'un maximum de leurs collaborateurs... Le management toxique en moins.
Mais le management appliqué à la DGFiP ne confine-t-il pas à la toxicité ? 

  • quand il n'y a pas de transparence, de lisibilité et de dialogue,
  • quand certains directeurs font pression sur des agentes ou des agents pour les contraindre à une mobilité ou à une stabilité subie,
  • quand les menaces à peine voilées volent au-dessus de leurs têtes,
  • quand la Loi dite de transformation de la Fonction publique détruit les instances de défense individuelle et collective,
  • quand les discours des pouvoirs publics laissent entendre que « n'importe qui » pourrait, modulo une formation au rabais et accélérée, réaliser leurs missions avec le même niveau de qualité,
  • quand les mêmes discours présentent les fonctionnaires et les missions de service public qu’ils rendent, comme principaux responsables de la dette et du déficit…
  • quand la précarité et l'arbitraire deviennent la règle.

Vous disposez, ce qui n'était pas le cas au moment des terribles moments vécus par les personnels de France-Télécom, d'outils d'observation et de mesure de l'état du corps social que constituent les agentes et les agents de la DGFiP, tous grades confondus. Ne pas les considérer constituerait une faute lourde et impardonnable.

Vous-même et vos directeurs et directrices avez une obligation en matière de protection de la santé et de la sécurité des agentes et des agents placés sous votre et leur responsabilité. En cas d’accident, Solidaires Finances Publiques sera aux côtés des agentes et des agents qui décideraient d’engager une procédure en reconnaissance du non-respect de cette obligation.

En conclusion, Monsieur le Président, nous attendons des réponses claires et précises à toutes les questions soulevées et à des actes forts en écho avec nos attentes.