Le déclenchement du 49-3 pour faire passer en force le projet de loi sur les retraites a créé une forte indignation, voire un « écœurement politique » chez les opposant.es à la réforme. Même pour les plus modéré.es, c’est une incompréhension qui se manifeste, avec un sentiment de désespoir.

L’intervention du président de la République ce mercredi 22 mars n’a convaincu personne, les pseudo arguments avancés étant toujours les mêmes, rigueur budgétaire et ordre républicain, réalisme économique (entendez libéral), minimisation de la contestation sociale et dénigrement des syndicats accusés de ne pas chercher de compromis alors que les contre- propositions pullulent. Mais elles sont trop sociales à son goût !

Et que dire des banalités sur la crise climatique et les paroles creuses sur l’engagement collectif… Lamentable.
Dans ce contexte affligeant, le FN/RN se frotte les mains et compte bien récupérer la déception générale si le mouvement syndical ne parvient pas à obtenir la non promulgation de la loi.

Pour VISA, très clairement, la décision de Macron et de son gouvernement de ne pas aller au vote est non seulement une atteinte à la démocratie sociale, mais surtout un cadeau offert au FN/RN.

Autoritarisme et antiparlementarisme

En utilisant le 49-3, Macron et son gouvernement ont fait preuve du plus grand autoritarisme et n’ont pas respecté les parlementaires, quoiqu’on puisse penser de ces dernier.es. Or, ces deux caractéristiques de l’attitude présidentielle sont également deux principes fondamentaux du FN/RN.

Dans la brochure « S’armer contre l’extrême droite » publiée avant les dernières élections présidentielles, VISA écrivait déjà ceci : « Jamais un quinquennat (NDLR 2017-2022) n’aura autant permis à l’extrême droite de bomber le torse. Le pari de Macron de tout faire pour que l’extrême-droite se retrouve au second tour face à lui pour être réélu « facilement » est un jeu dangereux et mortifère. En ne répondant aux questions sociales que par l’autoritarisme, il ouvre la voie au fascisme. » Un an après, cette analyse est renforcée, pour ne pas dire aggravée…

Pire encore, les propos de Macron pour justifier le recours au 49-3 et donc contourner le Parlement, prouvent son autoritarisme décomplexé : « Je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands. » En clair, renoncer à ce projet de loi mettrait la signature du pays en péril pour emprunter sur les marchés financiers. Tout ceci constitue du pain béni pour l’extrême droite. Discrète dans l’hémicycle, elle l’est bien moins dans les médias. A coup de petite phrase du style « Si nous arrivons à la tête de l’État, nous reviendrons sur la brutalité de cette réforme » (Bardella le 15 mars) ; « Je ne participerai pas à éteindre le feu » de la contestation contre la réforme des retraites » (Le Pen le 21 mars).

Imposture, démagogie et stratégie

En fait, pendant les quinze jours qu’ont duré les débats, la présidente du groupe d’extrême droite s’est soigneusement abstenue de livrer sa position sur le sujet et donc de prendre le moindre risque. Ses rares initiatives ont relevé de la seule tactique.
Et pour cause : Depuis le début de la mobilisation, le FN/RN n’a jamais fait la moindre proposition concernant le financement des retraites si l’âge de départ repassait à 60 ans, à l’extrême inverse des organisations syndicales, car pour le FN/RN, il ne faut surtout pas augmenter les cotisations sociales du patronat, quelle qu’elles soient, à fortiori celles dédiées à la retraite. Et bien sûr, le FN/RN n’a jamais défendu, ni proposé, la taxation des super-profits, ni proposer de donner les moyens à l’administration des impôts de lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscale, conformément à son idéologie Poujadiste.

Et il ne faut surtout pas oublier les positions fluctuantes du parti fasciste : avant 2017, Marine Le Pen était favorable au départ à 65 ans, mais depuis la présidentielle de 2017, elle prône un retour à la retraite à 60 ans.
Il y a six ans, elle faisait campagne sur la retraite à 60 ans avec 40 annuités, mais elle avait sournoisement infléchi cette position entre les deux tours, en expliquant finalement qu’elle s’engageait “à ce que ce soit le cas d’ici la fin de [son] quinquennat“.

Elle conditionnait également cette réforme à une baisse du chômage, et ajoutait : “Si on s’aperçoit qu’il y a encore un problème avec le système des retraites, je me tournerai vers les Français et je leur dirai : ‘J’ai fait tout ce qui est nécessaire, là je suis obligée de me tourner vers vous pour faire un effort’“. C’est clair comme la couleur d’une chemise brune…

Et si son véritable dessein provenait de l’exemple italien, avec un scénario similaire : une réforme des retraites engagée par Mario Draghi, puis la victoire de Meloni ?

“Tous mes vœux de réussite“, avait-elle assuré à sa consœur mussolinienne, en ajoutant : “Partout en Europe, les patriotes arrivent au pouvoir et avec eux, cette Europe des nations que nous appelons de nos vœux“. Et la réalité de Meloni, c’est la retraite à taux plein à 67 ans…

Tout ceci est bien loin des aspirations du mouvement social actuel mais les pièges de l’extrême droite sont bien tendus et Macron leur aura bien fourni le matériel nécessaire.

Parce qu’au-delà de la mobilisation retraite, se dessine encore un potentiel accès au pouvoir de l’extrême droite, VISA appelle les syndicalistes à ne rien lâcher dans le combat qui les mobilisent aujourd’hui. Dans cette lutte elles et ils devront aussi faire preuve de la plus grande vigilance et dénoncer publiquement les tentatives de récupération du mouvement social par les imposteurs de l’extrême droite.