Nous y voyons désormais un peu plus clair sur ce que devrait être le prochain contrat d’objectifs et de moyens de la DGFiP. Les documents qui nous ont été adressés pour le GT du 2 mars sont cette fois beaucoup plus substantiels que ceux fournis lors du premier groupe de travail. Plus fournis mais toujours largement incomplets. Bien qu’il s’agisse d’un contrat d’objectifs et de moyens, les moyens budgétaires ne sont une fois encore pas précisés alors même qu’ils sont, dans leurs grandes lignes, arrêtés. La démarche participative et de transparence de la DGFiP présente donc de sérieuses limites. De la même manière, alors que les remarques des organisations syndicales et les remontées du réseau sont unanimes pour dénoncer l’absurdité d’une « marque DGFiP », vous persistez. Nous laisserons donc aux directrices et directeurs le soin de jouer les femmes et les hommes sandwichs du ministre. Mais nous vous recommandons l’uniforme ! L’identité visuelle est essentielle en matière de COM !

Notre déclaration liminaire

Premier constat, ce COM s’inscrit dans la continuité du précédent. Vous cultivez ainsi toujours le paradoxe qui consiste à présenter des résultats remarquables, fondés sur des indicateurs construits pour, tout en annonçant l’impérieuse nécessité des réorganisations et des transformations en tout genre. Le slogan de la DGFiP pourrait donc être : On change forcément une équipe qui gagne ! Au moment où le Ministre, qui n’est pas à une sornette près, annonce des résultats records pour le contrôle fiscal, il est ainsi question du chantier de la réorganisation du contrôle fiscal !

Et c’est finalement ce qui demeure le plus inquiétant. Car en dépit d’objectifs très généraux dans lesquels, nous pourrions pour l’essentiel, nous retrouver tels que «  renforcer le civisme fiscal, offrir des services efficaces et adaptés aux attentes des usagers, mieux accompagner les usagers », nous savons que la finalité du COM s’épuise pour l’essentiel dans un exercice de communication; que bien souvent la rhétorique que vous employez consiste à retenir précisément les vocables les plus opposés à la réalité qu’ils sont censés représenter, comme le réseau de proximité ou les relocalisations et que la déclinaison opérationnelle peut s’avérer redoutable pour la qualité des missions.

C’est sans doute un signe, l’expression « service public » ne figure que 3 fois dans un document de 24 pages, dont une fois seulement dans le corps du texte et accolé au vocable performance... Nous sommes donc bien confrontés à une ambition qui institutionnalise l’e-administration et donc l’e-dgfip comme l’alfa et l’oméga du Service public de demain et ce en dépit des attentes et exigences des usagers et de l’intérêt des personnels.

S’agissant des objectifs

Le document laisse entrevoir l’ambition d’étendre les champs d’intervention de la DGFiP. Si ce n’est pas au détriment de la qualité des missions que nous exerçons aujourd’hui et qui constituent l’ADN de notre administration, nous n’avons pas de raison a priori de nous y opposer. Il faudrait donc pour cela des moyens supplémentaires. Or, nous savons déjà que s’agissant des moyens humains ce ne sera pas le cas… Exercer des missions de service public supplémentaires sans moyen humain s’avère illusoire…

Pour la gestion publique, vous vous inscrivez clairement dans un « choc des simplifications ». Le verrou de la responsabilité personnelle et pécuniaire ayant sauté, vous nous annoncez une revue générale des missions et des procédures. Cela ressemble à la funeste révision générale des politiques publiques (RGPP). Nous craignons ainsi que « l’allégement des contrôles » ne signifie en réalité la suppression du plus grand nombre. Et après ? Puisque comme le souligne le directeur général, il n’y a plus à craindre le juge, on peut y aller franchement et trancher dans le vif ! L’avantage dans la suppression des contrôles, c’est que dans un premier temps, quand ils disparaissent, personne ne s’en aperçoit !

L’écart entre le texte et la réalité est ensuite assez cruel quand par exemple vous illustrez la consolidation et la modernisation de la gestion des recettes publiques… Mais à votre décharge, vous n’êtes peut-être pas pleinement informé par les pôles métiers du bazar que la prétendue rénovation et dématérialisation des missions foncières provoque actuellement.
Alors que l’objectif affiché est de fiabiliser les bases de fiscalité directe locale, « vaste programme » auraient dit certains, la mise en place prématurée de GMBI et de SURF va probablement dégrader et faire prendre du retard à la mise à jour des bases des collectivités territoriales comme jamais ! Et si les collectivités sont informées de l’impact de ce chef d’œuvre de désorganisation dans des services déjà exsangues, il y a fort à parier que le taux de satisfaction du service rendu à « nos partenaires » ne se maintienne pas aussi bien.
Nous avions pensé que pour un temps au moins le rapport Gardette avait refroidi vos ardeurs d’unification du recouvrement social et fiscal. Mais il n’a pas fallu attendre longtemps pour les voir réapparaître…
Certaines propositions ont en effet parfois un goût de « réchauffé ». La DGFiP attendait patiemment la mise en œuvre de la réforme régressive de retraites à points de 2019 pour proposer une grande unification des services de gestion des retraites des agents publics et même peut être au-delà. La réforme a heureusement échoué, les systèmes de retraites restent assez différents, mais vous recyclez la mutualisation des outils informatiques avec la CNRACL.

Vous ne pouvez pas être plus flou et plus inquiétant en matière de contrôle fiscal. « Adapter l’organisation à la taille et aux enjeux des départements tout en veillant à rester dissuasif au niveau local ... »Vaste programme ! C’est concrètement viser un CF sur des dossiers potentiellement rentables pour les finances publiques c’est à dire qui prend peu de temps et doit être garantie par un recouvrement rapide. Sans être medium c’est la poursuite de la déclinaison de la loi ESSOC qui permet aux entreprises d’engager des transactions pour limiter la juste douloureuse.
Quand au caractère dissuasif au plan local nous sommes interrogatifs sur sa concrétisation. C’est bien une nouvelle réorganisation territoriale du contrôle fiscal qui se cache derrière ses mots.
Que signifie par ailleurs l’expression renforcer les moyens d’investigations notamment humain ? S’agit-il de renforcer les effectifs du contrôle fiscal ? Des redéploiements sont-ils envisagés ?

En ce qui concerne l’accueil, nous saluons l’inflexion qui consiste à garantir en parallèle de l’offre multicanale, l’accessibilité des services pour tous les publics selon leurs besoins. Elle souligne que c’est bien à l’administration de s’adapter aux besoins des usagers et non l’inverse ! Mais nous serons extrêmement vigilants à ce que ne se développent pas des offres de service variables selon les endroits, au mépris du principe d’égalité devant le service public sur l’ensemble du territoire.
S’agissant du soutien aux entreprises, nous réaffirmons qu’il ne peut y avoir de mélanges des genres entre conseil et contrôle.
L’information de toutes les entreprises relèvent de la mission des SIE. Le service aux entreprises passe par la disponibilité de leurs interlocuteurs, leur capacité à satisfaire l’ensemble des demandes. La généralisation des centres de contact des professionnels, participe au contraire de la multiplication des interlocuteurs, de la parcellisation des tâches, à l’opposé de l’exigence d’un contact de proximité, bien identifié gérant l’intégralité du dossier.
Et ce n’est pas en développant des partenariats purement formels dans une logique exclusivement procédurale que nous allons améliorer la qualité du service public !
S’agissant de l’accueil physique des indépendants, entendez-vous faire de la DGFiP le nouveau guichet d’accueil unique des entreprises en partenariat avec l’URSSAF ?

Nous sommes très inquiets sur l’avenir des SIP. Nous revendiquons depuis longtemps l’amélioration de l’accueil physique. Les missions des SIP ne peuvent toutefois se résumer à de l’accueil généraliste. Or, sur ce point les perspectives sont extrêmement vagues, et le dernier GT sur ce service ne fait que confirmer que nos visions s’opposent, que ce soit dans l’exercice des missions et l’intérêt porté au sens du travail pour les agentes et les agents

Il nous apparaît sans aucun doute souhaitable d’améliorer le service que nous rendons déjà, parfois de manière dégradée, plutôt que de vouloir être un prestataire dont le but est simplement d’étendre son offre de service …
La DGFIP ne doit pas devenir la Poste qui propose de multiples services, sans compétence particulière mais qui peine à assurer sa mission de service public d’acheminement du courrier.

S’agissant des moyens

Nous réitérons nos propos tenus lors du premier GT. Vous auriez dû nous fournir les éléments chiffrés arbitrés avec la direction du budget.

Quatre aspects sont mis en exergue dans vos documents, la généralisation de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans toutes les missions sans toutefois que cette notion soit explicitée, l’écoresponsabilité, l’accompagnement des agents et la performance.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle, la DGFiP n’emportera jamais l’adhésion des agentes et des agents tant qu’elle l’appréhendera comme un moyen pour justifier et accélérer les suppressions d’emplois. Par ailleurs, industrialiser l’exercice des missions et instaurer une société où la concentration des données, sans garde fou réel ni droit de regard des usagers sur celle-ci met en péril les piliers des libertés publiques.
Aujourd’hui l’utilisation de l’intelligence artificielle dépossède les agentes et les agents de la maîtrise de leurs outils de travail et de leurs compétences techniques. Une autre ambition est possible. Celle de faire de l’intelligence artificielle, un outil d’appui aux personnels pour améliorer l’exercice des missions mais qui reste sous leur contrôle et qui soit en phase avec les impératifs d’une société respectueuse des droits et garanties pour toutes et tous.
Or, à ce jour et sur ce point, il n’y a pas de formations qui permettent aux collègues de s’approprier les nouveaux outils ni à cerner ce qui relève de l’ordre du possible et de l’abus de droit.
En matière d’intelligence artificielle, la formation des agentes et des agents doit être pensée au fur et à mesure du développement des outils. Vous envisagez un grand plan de formation pour renforcer les moyens d’investigation dans le contrôle fiscal. Très bien. Nous espérons toutefois qu’il ne s’agira pas de différents modules d’e-formation.

L’exemplarité en matière d’écoresponsabilité ne se décrète pas ! Que penser de la réalité de cette préoccupation pour une administration quand sa plus importante direction territoriale est incapable de mettre en place la collecte du papier pour en assurer le recyclage ?
Le document fait surtout craindre qu’au prétexte d’écoresponsabilité, vous vous lanciez dans une politique de réduction du parc immobilier pour des raisons d’économies budgétaires au détriment des conditions de travail des agentes et des agents. Et au vu de ce qui remonte du réseau, cette démarche est déjà lancée alors que la note de la 1ere Ministre sur la politique immobilière de l’État n’est sortie que le 8 février et qu’aucune concertation ou échange n’a eu lieu tant au niveau ministériel que directionnel. Vous annoncez ni plus ni moins la pratique du surbooking à la DGFiP. Nous combattrons toute politique qui vise à déposséder les agents de leur espace de travail.
Celui-ci est nécessaire à la vie du collectif et au bien être individuel au travail.
Il est également hors de question que le télétravail soit imposé aux agentes et aux agents, au mépris des engagements ministériels de réversibilité.

L’accompagnement des agents et la recherche des nouveaux talents sont par ailleurs probablement les aspects les plus consternants du dossier.
En mettant en place les CSRH et le SIA, la DGFIP a privé les agentes et les agents d’un service de ressources humaines de proximité en ce qui concerne la carrière. Vous voulez maintenant les accompagner dans leur parcours professionnel ! Quelle blague ! Alors que la DGFiP a organisé sciemment l’isolement administratif des agentes et des agents dépourvus de véritables d’interlocuteurs.
Vous souhaitez d’abord attirer de nouveaux talents à l’heure où l’administration dans son ensemble ne fait plus rêver. Et pour cause !
Malmenés et déconsidérés par le pouvoir politique, les fonctionnaires n’ont aujourd’hui plus les moyens d’assurer correctement leurs missions. Mal payés avec des perspectives de carrière limitées, des fonctionnaires souvent surqualifiés débutent avec des rémunérations qui dépassent à peine le SMIC !
Et vous pensez sérieusement qu’avec une mauvaise publicité et une marque DGFiP vous allez parvenir à pourvoir au manque d’attractivité ?
Commencez donc par revaloriser significativement les rémunérations et en particulier le régime indemnitaire. Améliorer l’intérêt du travail des agentes et des agents, permettez qu’ils soient affectés là où ils et elles le souhaitent, permettez que l’ascenseur social redevienne une réalité en augmentant les volumes des listes d’aptitudes, des tableaux d’avancements ou des concours internes. Faites grosso modo le contraire de ce qui a été fait depuis vingt ans et la DGFiP redeviendra peut-être un peu plus attractive.
Or, dans ce document, il n’y a strictement rien sur les promotions, sur un plan de qualification, sur l’amélioration des perspectives de carrière, rien de significatif sur l’abondement indemnitaire.
Ce n’est pas en organisant des évènements ridicules tels que la DGFiP a un incroyable talent que vous susciterez l’envie de rejoindre cette administration !

L’attractivité est encore une fois un terme qui devient récurrent sans que jamais, vous ne vous donniez réellement les moyens de le traiter.

La formation professionnelle est également cruellement absente de ce document. En matière de formation initiale, tout est à peu près à revoir. Les pistes avancées sont largement tournées vers l’e-formation et le distanciel ce qui ne répond nullement aux enjeux des recrutements attendus et de la construction des collectifs de travail de demain. Il ne suffit pas d’introduire des outils numériques pour parvenir à des méthodes pédagogiques pertinentes. Il faut peut-être aussi changer le rapport que l’administration entretient avec les stagiaires, cesser de les infantiliser et les rendre actrices et acteurs de leur formation…

Nous terminerons en abordant les désormais inévitables poncifs sur la recherche de la performance. Si vous recherchez réellement l’efficacité et les simplifications, commencez par arrêter de faire perdre du temps à toutes et tous. Évitez que les responsables de service ne passent leur temps à renseigner des indicateurs et des tableaux statistiques. Faites en sorte qu’ils viennent en appui technique sur l’exercice des missions. Ils et elles y trouveront sans doute plus d’intérêt..

Plutôt que d’investir dans la conduite du changement et autres niaiseries, réinvestissez les valeurs du service public et faites un peu plus confiance à l’intelligence humaine, cultivez-la et respectez-la.